28 Mar OLIVIA 1/2
La bibliothèque – La bibliothèque s’étend le long d’un mur sur deux étages. Un escalier en fer permet d’accéder à l’étage supérieur et aux livres les plus hauts. « Le design de la bibliothèque, c’est l’œuvre de mon mari, le contenu c’est moi ! » explique Olivia. De par son activité – Olivia est éditorialiste et chef du service livres du magazine Elle et journaliste littéraire – les livres arrivent tous les jours. Et elle en lit beaucoup. Quand en 2001, Valérie Toranian lui confie le service livres du magazine, son amie Anna Gavalda la met en garde : « Il ne te restera que des mauvais livres dans ta bibliothèque : à chaque dîner chez toi, on te demandera des conseils de lecture et tout le monde emportera tes derniers coups de cœur ! ». Alors Olivia est vigilante et porte un soin particulier à la constitution de sa bibliothèque. « Mais je refuse de sacraliser les livres, il faut que cela reste vivant. Je veux seulement que ma bibliothèque ait du sens. » Pour se protéger des « pilleurs », une petite bibliothèque a été installée sur le palier avec les livres qu’elle souhaite donner. Les invités savent où se servir.
Pour s’y retrouver sur les rayonnages, Olivia a opté pour un classement alphabétique. Néanmoins, les livres anglo-saxons, les grands classiques et la littérature française contemporaine ne se mélangent pas. « J’aime aussi mettre côte à côte des gens qui auraient pu s’entendre. », précise-t-elle. Ainsi Françoise Sagan – de loin son auteur préférée – côtoie Jean-Marie Rouart – elle aime beaucoup Ces amis qui enchantent la vie où se mêlent portraits d’écrivains et morceaux choisis de leurs meilleurs livres – et Jean Rolin – « Sagan aurait sans doute apprécié son côté rock’n’roll ! »
Quand on monte l’escalier, on repère tout de suite quelques auteurs, quelques livres. « Ce sont les romans que j’aime ou les auteurs qui comptent. » On tombe sur les livres de Romain Gary – « très important dans ma vie ! », ceux de Jérôme Garcin – « Un ami, et aussi mon patron au Masque et la Plume. », S’abandonner à vivre de Sylvain Tesson, Les gens indispensables ne meurent jamais d’Amir Gutfreund. « Ce sont des livres qui me font plaisir, ensemble ils donnent du sens à cette bibliothèque, ils disent quelque chose… sinon ça ressemblerait aux rayonnages d’une librairie ! »
On l’a compris, ici sont rassemblés ses livres préférés, ceux qu’elle souhaite garder, avoir près d’elle. Olivia à une autre bibliothèque au bureau avec tous les livres qu’elle reçoit. « Au bureau, c’est un classement par éditeur. », précise-t-elle.
Lectures – « Compulsive ! » dit-elle pour définir son profil de lectrice. Sa mère aime raconter qu’enfant Olivia a lu l’intégralité des aventures de Oui-Oui en une semaine. « Dès que j’ai su lire, je n’ai jamais pu m’arrêter. La lecture a toujours été un vrai bonheur. J’ai peu de souvenir de moi dans le passé, mais chacun est lié à un livre, à une lecture. » À 17 ans, c’est la période anglaise avec notamment Jane Austen – « Étrange que j’aie aimé ces histoires de vieilles filles alors que je ne pensais qu’à m’amuser à cette époque ! ». À 20 ans viennent les Américains. En Khâgne et Hypokhâgne, elle découvre Proust : « Un bonheur inouï ! Et j’ai connu le même sentiment en lisant Guerre et Paix. » Pour lire les plus de 1500 pages du roman de Tolstoï, Olivia a une astuce : « Je l’ai lu en deux fois : une première fois en me concentrant sur l’histoire d’amour et une seconde fois en lisant les passages sur la guerre. Je me sentais conquérante, avançant chapitre après chapitre comme sur un champ de bataille ! » Olivia ne se souvient pas d’une période de sa vie où elle n’aurait pas lu. Et pour la littérature contemporaine ? « Je l’ai vraiment découverte en devenant chef du service livres. Je me suis jetée dedans avec avidité et ça a été un grand bonheur de chercher de nouvelles voix. » Parmi ces auteurs, elle cite : Marie Darrieussecq – « qui apportent des réponses aux questions des femmes » –, Michel Houellebecq, Jean Echenoz, Dany Lafferrière – « pour son optimisme », Maylis de Kerangal, Anna Gavalda « beaucoup plus sombre qu’il n’y paraît », Alain Mabanckou, Julie Wolkensein… La liste ne cesse de s’allonger. Olivia s’enthousiasme pour trois jeunes auteurs qui ont fait récemment leur entrée en littérature : Clément Benech, François-Henri Désérable et Arthur Dreyfus. « Trois jeunes hommes formidables et pétris de littérature ! » Et si on devait retenir un seul roman pour cette année ? Sans hésitation : « La douleur porte un costume de plume de Max Porter. Un livre incroyable, tellement beau, sublime ! »
Enthousiasme – « Le jour où il n’y a plus d’enthousiasme en ouvrant un livre, je m’arrête car c’est un métier très astreignant. » reconnaît Olivia. Bien plus qu’un travail, c’est un mode de vie. Être à l’affût des nouveautés, suivre les auteurs qu’on apprécie… être sûr de son goût et du bon goût… « Un jour, alors que je confiais à Jean-Marc Roberts (ndlr: directeur des éditions Stock de 1998 à 2013, année de son décès) ma peur de passer à côté d’un grand auteur ou au contraire d’aimer un livre très mauvais, il m’a dit “Ça n’a pas d’importance, soyez dictateur en matière de goûts littéraires” ». Conseil qu’Olivia s’est efforcée de suivre. « Aujourd’hui, si je me trompe dans mes enthousiasmes, c’est avec sincérité et ce n’est sans doute pas si grave ! »